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Chroniques d'une esthète engagée

Chroniques d'une esthète engagée

"Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. (...) Il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences." Rimbaud


Choc de culture, absurdités européennes et voyance

Publié par Chloë Ange sur 26 Mars 2013, 23:44pm

- Cet article a été coécrit avec Mouna (Nassima Amir) -

Je viens d’une île. Je n’ai jamais aimé les immeubles. Peu importe l’architecture, un gratte-ciel reste moche. Et ces « villes de demain » avec de l’herbe sur les toits… ridicule. Ca reste pareil au final.

Je viens d’une île. Je ne me suis jamais intéressée à la politique. Chez moi, quand on veut quelque chose, on bloque une rue, ou un complexe de bureaux, on pose la natte et on suspend une bâche, on joue au taro, on brûle des pneus sur une route et on mange des grillades. On fait la grève quoi. Souvent, d’ailleurs.

Pour ce qui est des questions plus graves, on ajoute des drapeaux, on fait payer l’entrée d’une plage, on insulte les gens, on tue aussi parfois et on signe des accords.

Tout ça pour vous dire une chose : votre culture me semble absurde.

Les marchés paniquent pour l’élection d’un chef de gouvernement, bordel ! D’ailleurs « les marchés » c’est un engrenage stupide : tous les agents disent que « le marché » va baisser ou augmenter à telle idée et HOP !, prophétie autoréalisatrice. L’atomicité des agents est telle qu’on oublie qui est le marché, comme s’il était une tierce personne. Ce n’est pas faux après tout, un seul agent n’a pas d’effet (à part une star de hedge fund dans le top 5). Mais il suffit d’une parole de Draghi, d’un article d’analyste et « le marché » s’emballe : en gros, l’influence vient des agents externes. Mais de là à baliser pour Hollande ou Berlusconi…

Une seconde chose : je pense qu’être élevé dans une culture vous fait voir les choses d’une certaine façon, et que seul un regard étranger peut être neuf. Les buildings, c’est moche.

Effectivement, ces deux idées paraissent difficilement liées/liables, etc. Je m’en suis cependant servie ici en introduction pour vous exposer mon point de vue sur les chocs de culture et les absurdités que je ressens dans la votre. Vous pourrez me rendre la pareille, si vous avez l’occasion de vous exposer à la culture Calédonienne. Si vous vous êtes sentis offensés mais que vous avez continuez votre lecture, ça me fait plaisir. Je ne sais pas si à votre place je l’aurais fait. Je vous donne donc mes idées sur le regard neuf, et la façon dont je pense que l’éducation le brouille.

La liberté prend sa source dans la création. Or, la cruauté est maître mot de la création. Il ne s'agit pas là de cruauté envers les êtres vivants mais de cruauté envers les idées, nous n'exprimons pas ici de violence à proprement parler.

Je dis donc que la cruauté est le maître mot de la création et ce sera l’axiome de cet article. En effet, sans être cruel envers ce qui a été créé, que pouvons-nous construire de tout à fait nouveau ? Ne voyez là rien de moral, d'éthique, ni même un seul principe, rien d'autre qu'une hypothèse purement mathématique. Si Rimbaud n'avait pas haï les poëtes de son temps, sans doute Alchimie Du Verbe ne serait jamais née. L'important c'est de réaliser que la création naît d'une destruction totalement subjective. Ainsi pour créer, nous avons besoin de réaliser que ce qui a été fait avant est nul (jetez donc un œil au poème Clown de Henri Michaux).

Par cela, j'entends qu'il est possible de voir, d'agir, et d'exister autrement. Nous ne sommes pas, nous ne devons pas, nous ne pouvons pas être dirigés par la société telle qu'elle existe au moment présent. Cette société est l'aliénation même de l'homme. De là, j'entends dire que nous tentons de comprendre quelque chose que nous avons nous-mêmes créé et dans lequel nous nous sommes nous-mêmes perdus. Il est possible de vivre d'autre manière.

Il y a des gens qui, à chaque époque, ont vu. Je parle là de voir comme Rimbaud qui souhaitait être voyant, de voir le monde comme il est et de l'envisager sous un autre jour, sous d'autres possibilités. Je parle de le voir avec un œil objectif et sans jamais le fuir afin d'y faire face, avec l'espoir toujours présent qu'il peut être changé, amélioré, et refait. Je parle de le reconstruire de façon différente avec pour base la destruction sans qu'elle soit un but. Aujourd'hui, ce que nous faisons ne sont que de petites améliorations. Ce dont je parle serait une vision radicalement nouvelle. Je pense qu'il existe une autre façon de vivre, de se créer, de s'épanouir, une autre façon d'exister.

Aujourd'hui, notre monde repose essentiellement sur l'esprit. Mais voyez donc les Femmes Savantes de Molière. Ne se sont-elles pas aliénées? Il est grand temps de laisser place à la jeunesse qui, sans même une éducation guidée, est capable d'innover.

Ce que je crois c'est qu'une éducation trop orientée par la société plutôt que par l'Homme lui-même le conduit à se parfaire dans ce qu'il a apprit comme étant une sorte de perfection, et qu'alors, y croyant fort, il ne sera plus capable de voir le monde autrement. Pourtant, je suis persuadée que beaucoup d'entre nous voient. Par exemple, chaque mouvement artistique révolutionnaire souhaitait faire table rase du passé, afin de refaire un monde qui lui ressemblait, un monde qui ressemblerait à chaque être humain comme un réel lieu d'expression. Je ne vois malheureusement pas de mouvement artistique révolutionnaire qui nous soit contemporain.

Aussi, je suis persuadée que la vieillesse, l'éducation, pèsent sur le monde tel qu'il est. Nous savons qu'à l'adolescence, l'esprit est en suffisante ébullition pour se rendre compte de l'absurdité de la société. Certains voyants étaient de ceux qui avaient réussi à conserver les moteurs de création de l'adolescence, avec tout ce que cela implique de sacrifice et de résultats. Je ne propose pas d'abolir l'éducation, la morale, ou l'éthique. Je propose de ne pas enfermer trop longtemps les esprits créatifs dans ce qui les contraindrait à penser d'une certaine manière.

« Nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants », disait St-Exupéry. C'est pour nos enfants et pour les générations à venir que nous devons créer un monde meilleur, et qui ne sera contraint ni par les idées véhiculées de nos anciens, ni par l'argent, ni par la politique, à décider ce qui est bon pour eux. Ils doivent avoir un esprit suffisamment éduqué pour comprendre de façon globale ce qui les entoure, avoir le temps d'en envisager les détails et savoir alors s'il est temps de créer quelque chose de neuf ou simplement d'en corriger les défauts, ou encore de s'émerveiller de ce qui a été fait et de ce qui perdure. Nous ne devons pas lutter contre ce que nous sommes, mais l'accepter et nous adapter autant que nous adaptons la nature à ce qui est et à ce que nous sommes.

Je ne pense pas que j’aurais pu avoir ces idées en restant sur mon Cailloux, à 17 000 kilomètres de Paris. Je suis persuadée que sans le déclencheur du choc culturel que j’ai vécu en établissant ma vie dans la Métropole je n’aurais jamais eu cette idée de la création par la cruauté. Je pense que c’est en comprenant que ce que je voyais comme des absurdités ne l’étaient pas pour ceux qui les vivent (et qu’inversement ce que vous prendriez pour des absurdités en passant un moment en Nouvelle-Calédonie n’en sont pas pour ses habitants) que j’ai saisi que nous étions arrivés à un point d’orgue de l’histoire de nos sociétés « développées ». On se pose déjà des questions sur le capitalisme avec la crise, peut-être que bientôt les « voyants » se rassembleront et émettront des idées, peut-être qu’un nouveau courant artistique viendra nous secouer, peut-être, peut-être, peut-être.

Un toit-jardin.... Ridicule. Joli, mais ridicule.

Un toit-jardin.... Ridicule. Joli, mais ridicule.

Une case kanak. Avec de l'herbe sur le toit. Entourée d'herbe. Moins ridicule.

Une case kanak. Avec de l'herbe sur le toit. Entourée d'herbe. Moins ridicule.

NYC. Succession de buildings à en perdre haleine. Moche.

NYC. Succession de buildings à en perdre haleine. Moche.

Nouméa. Un immeuble. 100 maisons.

Nouméa. Un immeuble. 100 maisons.

Projet de villes futures flottantes. Je trouve ça très beau, toussatoussaquoi, mais est-ce qu'on pourrait juste se résoudre à l'idée que le monde est tel  qu'il est et qu'altérer la nature est mauvais pour tous les êtres vivants, nous compris ?

Projet de villes futures flottantes. Je trouve ça très beau, toussatoussaquoi, mais est-ce qu'on pourrait juste se résoudre à l'idée que le monde est tel qu'il est et qu'altérer la nature est mauvais pour tous les êtres vivants, nous compris ?

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