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Chroniques d'une esthète engagée

Chroniques d'une esthète engagée

"Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. (...) Il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences." Rimbaud


L’Etat : entreprise, famille ou providence ?

Publié par Chloë Ange sur 12 Octobre 2013, 07:51am

Catégories : #Economie

Avec la forte chute de la côte de popularité du Président Hollande (32%), 59% des français qui ne veulent pas d’un retour de Nicolas Sarkozy, ce sont deux visions de l’Etat totalement remises en question. Hollande propose un Etat Providence, Sarkozy une grande « famille ». Ni l’un ni l’autre ne semblent plaire aux français ou fonctionner. Il reste encore une option : et si l’Etat était géré comme une entreprise ?

Le problème essentiel de l’Etat français est sa dette, à l’heure actuelle. Le problème essentiel de la dette française est son utilisation : productivité zéro. En effet, il est important lorsque l’on emprunte d’utiliser ces fonds pour créer de la valeur, afin d’être en mesure de rembourser le nominal et la charge (montant emprunté + intérêts). Dans ce cas là, la dette devrait profiter à la croissance : avoir un « effet de levier » (voir en fin de paragraphe). Hors, de 1978 à 2012 la croissance du PIB a diminué (tendance baissière tout au long de la période), de 1,3% à 0% en 2012. La dette représentait 21,2% en 1978 et 90,2% en 2012. Certes, ces chiffres font également ressortir les effets encore présents des crises successives (économiques et boursières) du 20° siècle. Néanmoins, quand la dette a crû très rapidement, la croissance s’est tranquillement, pas à pas, dirigée vers les 0%. Typiquement l’effet de massue comme on l’appelle en finance d’entreprise, autrement dit lorsque le poids de la dette est plus fort que le rendement des actifs de l’entreprise c’est « highway to hell ».

Rmq : effet de levier = rendement financier – rendement des actifs = (rendement des actifs – coût de la dette)*Dette/Capital

Imaginons que l’Etat est une entreprise, du type SA cotée en bourse. Pour bien comprendre le tableau comparatif suivant, je vous invite à conceptualiser une chose essentielle : la monnaie d’un pays représente sa création de valeur, une part de sa richesse nationale ; détenir de l’euro c’est détenir une partie de l’Europe, en d’autres termes une « action » de la zone Euro. Certes, dans le cas présent, où l’on observe un seul pays de la zone monétaire, cela soulève l’habituel débat de la valeur de l’euro face à la disparité des économies qui l’ont intégré, mais je vous propose de faire l’hypothèse que l’euro est bien représentatif de l’économie française, et je ne pense pas que cette hypothèse soit très éloignée de la réalité.

Si l’on apparente la devise à une action, alors le rendement financier de l’entreprise devient dans le cas de l’Etat la mesure de l’inflation, et cette mesure est positive pour une inflation stable/plus faible que celle du reste du monde, puisqu’alors la monnaie, toutes choses égales par ailleurs, prend de la valeur. On peut par exemple utiliser l’opposé de l’Indice des Prix à la Consommation. Le rendement des actifs est évidemment la croissance du PIB (PIB de l’année actuelle produit avec les actifs et donc également le PIB de l’année précédente). L’équation que nous avons vue plus haut pour l’effet de levier devient alors dans le cas d’un Etat :

(-IPC) – croissance du PIB en volume = (croissance du PIB en volume – charge de la dette)*Dette/ Capital investi dans le pays (épargne française et IDE en France)

IDE : investissement direct à l’étranger, ici investissement de l’étranger en France.

Une dernière remarque/un dernier rappel : baisser les taux directeurs c’est augmenter la masse monétaire en circulation.

ó Taux directeurs – croissance du PIB = (croissance du PIB – charge de la dette)*Dette publique/Capital investi dans le pays (épargne française et IDE en France)

Entreprise

Etat

Actionnaires

Citoyens

Obligataires

Détenteurs de la dette

Actions

Devises

Obligations

Bons du trésor, et autres émissions publiques

Achat d’action

Conversion de devise

Parité lors d’une offre publique

Taux de change

Augmentation de capital

Baisse du taux directeur de la BCE

Dilution par l’augmentation de capital

Perte de pouvoir d’achat par inflation

Cette comparaison nous amène à nous poser des questions sur la gestion de l’Etat : quel est le pourcentage de dette à ne pas dépasser ? Doit-on réellement séparer la politique monétaire de la politique budgétaire ? Quel est le bon taux de change ?

Concernant le pourcentage d’endettement à ne pas dépasser : les banques considèrent que cet endettement doit être inférieur à la valeur des capitaux propres. Pour l’Etat, il faudrait donc que le montant de la dette soit inférieur à la masse monétaire en circulation. Cela ne veut pas dire grand-chose, et vient s’opposer la notion de confiance : les investisseurs et les banques font confiance à l’Etat français pour rembourser, ce qui lui permet d’emprunter pour rembourser et fait perdurer cette confiance. Ce qu’il faut réellement prendre en compte c’est qu’à présent la levée des impôts ne couvre pas le coût annuel de la dette, et que cet élément peut être le déclencheur d’une perte de confiance. En d’autres termes nous en revenons à l’effet de massue/de levier mentionné plus tôt : il faut que le rendement des actifs soit supérieur au taux d’intérêt payé : la part du PIB produite grâce aux possessions françaises doit être supérieure au taux d’intérêt payé dans le cas d’un Etat. Ce n’est actuellement clairement pas le cas. Ca pourrait l’être si l’inflation venait diminuer le taux d’intérêt réellement payé, autrement dit si la BCE décidait de faire « marcher la planche à billet » ou de baisser encore ses taux directeurs, ou toute autre action ayant ce même effet (je ne les détaillerai pas, toute une partie de l’économie s’en charge fort bien).

Concernant la séparation de la banque centrale et de l’Etat : c’est à nouveau une question de confiance des investisseurs. Afin d’éviter que les politiques ne fassent de l’inflation pour booster la croissance (consultez l’actuelle politique de Shinzo Abe au Japon), à tors et à travers et à des fins électorales, les politiques monétaires et budgétaires ont été séparées. Même problème que la séparation de la Justice et de l’Exécutif, en somme. Cependant dans notre tableau comparateur on voit clairement qu’au sein de l’entreprise cette séparation n’est pas effective, et que l’entreprise peut bien décider d’émettre des actions plutôt que de s’endetter. Pourquoi ça marche ? Peut-être parce qu’une entreprise a « le droit » de couler et que la bourse s’en chargera personnellement si les investisseurs jugent que la compagnie dilue trop leur richesse en émettant actions sur actions, mais aussi peut-être parce que les tensions politiques sont moins fortes au sein de l’entreprise (je n’en suis pas si sûre) et que la corrélation entre les intérêts du gérant et ceux des actionnaires est plus forte ou plus directe. Peut-être aussi parce qu’émettre des actions et émettre de la monnaie n’est pas tout à fait comparable.

Quel est le bon taux de change ? Le taux de change est le pouvoir d’achat de la monnaie comparé à celui d’une autre. Pour une devise il y a une multitude de taux de change. Mais parler du taux de change c’est parler de l’inflation, de l’attractivité du pays pour les investisseurs et les entreprises (politique fiscale et industrie), et de la balance commerciale. Je pense que le bon taux de change (autrement dit la bonne inflation puisque c’est le moyen le plus direct pour influencer la devise comparée à toutes les autres) est celui qui permet d’équilibrer la balance commerciale : d’exporter autant que l’on importe, puisque l’exportation fait gagner de l’argent au pays, mais qu’avoir trop peu de pouvoir d’achat pour importer est une source de ruine économique pour les citoyens. Cependant, on touche à nouveau à des problématiques plus difficiles : certains pays sont structurellement exportateurs (le cartel pétrolier par exemple), d’autres structurellement importateurs (les pays sans matières premières et sans industrie, ce qui est presque le cas français, mais ce cas est dangereux) ; et il y a également la notion de protectionnisme qu’il faut prendre en compte.

En gros, l’Etat entraine des problématiques diplomatiques, morales et sociales, qui viennent compliquer immédiatement ce qui semble évident au sein d’une entreprise.

Pour conclure je voudrais vous lancer une piste de réflexion. L’aléa moral en économie arrive par exemple lorsque le gérant de l’entreprise a des intérêts qui divergent de ceux de l’entreprise, et donc des actionnaires. Pour éviter ce biais, on peut par exemple indexer la rémunération du gérant sur la performance de l’entreprise. Imaginons que la rémunération du Président de la République Française soit indexée sur la croissance du PIB, ou la décroissance de la dette en pourcentage du PIB (et même les deux). Le risque est d’induire un stress dans la gestion qui va se propager aux citoyens et entreprises du pays et être contreproductif (on a vu ces dernières années qu’un management trop rigoureux amenait une certaine tendance au suicide…). Dans ce cas, pourquoi ne pas indexer une partie de sa rémunération (un bonus en soit) sur la croissance du PIB, la décroissance de la dette en pourcentage du PIB et l’Indice de Développement Humain, sorte de mesure du bonheur ? En toute honnêteté, je serais bien incapable de vous dire quels en seraient les effets, mais je suis sûre d’une chose : la croissance n’est pas une priorité pour la plupart des Présidents qui préfèrent imposer/tester leurs visions sur l’éducation, le chômage, le travail, et qui se servent de la dette pour les financer. Il arrive que les dogmes, idées et concepts inhérents à un bord politique soient des barrières robustes aux bonnes réformes. Mais « l’enfer est pavé de bonnes intentions », et le Président Français qui a le plus satisfait son peuple depuis presque vingt ans est celui qui a conduit le moins de réformes (Jacques Chirac). A croire que le peuple français n’a aucune idée de ce qu’il veut…

Quant à la nouvelle génération, la question importante qu’elle doit se poser est : rester, ou partir ? Doit-elle payer les erreurs, si l’on puis dire, de ses aînés ? (Comprendre : payer la dette dont ont profité ses parents, grands-parents, arrières-grands-parents, oncles, grand-, etc. ; cette notion de « payer pour les vieux » est plutôt de théorie classique.)

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