Les government yield curve (appelées yield curve) décrivent les taux auxquels empruntent les Etats suivant la maturité de la dette. Le taux le plus observé, et le plus acheté, est le taux 10 ans, autrement dit le taux auquel empruntent les Etats pour une dette remboursable en 10 ans, autrement dit le prix qu’ils paient aux prêteurs.
En comparant les government yield curve aux dates du 5/4/2005, 4/4/2008, 5/4/2013 on remarque quelque chose de paradoxal : le taux 10 ans a baissé entre 2005 et 2013. Hors pendant cette période c’est la capacité des Etats Européens à rembourser qui a été remise en cause, et donc le taux aurait du monter, par une simple mécanique d’offre et de demande : les prêteurs offrent moins d’argent à prêter aux Etats en raison du manque de confiance, ce qui crée un effet de rareté et fait monter le prix, donc le taux 10 ans. Je vais donner une hypothèse d’explication dans cet article, puis je discuterai un article récent paru dans les Echos sur la crainte du FMI pour les banques détenant des emprunts d’Etats.
Soit y = f(x), la fonction représentative des taux selon la maturité en année, avec x cette maturité. L’axe des abscisses est donc en unité de temps (an) et l’axe des ordonnées en pourcentage.
En 2005, la yield curve est « normale » : concave et croissante, sans asymptote c’est-à-dire qu’elle ne s’aplatit pas sur sa fin, donc qu’elle ne tend pas vers une limite mais continue d’être croissante (en d’autres termes : y>0, y’>0 et y’’<0).
En 2008, la yield curve comporte un point d’inflexion : pour x = ? environ la courbe passe de convexe à concave ; et pour x = 2 environ elle passe de décroissante à croissante. On peut dire de cette courbe qu’elle est inversée, c'est-à-dire qu’au lieu d’être croissante, elle est décroissante sur les premières maturités.
En 2013, la courbe devient croissante beaucoup plus tôt, et le point d’inflexion (le changement de convexe à concave) est plus près de 0. En revanche, la courbe devient négative à très long terme.
Ce qui signifie :
En 2005 : la capacité de remboursement des Etats n’est pas encore mise en cause, et donc le taux est plus faible puisque le risque est lui aussi plus faible en moyenne. Le taux 10 ans est à 3%. En gros, l’épargne est majoritairement investie auprès des Etats qui sont encore considérés comme les emprunteurs les moins risqués du marché, et les taux sont en moyenne plus faibles qu’en 2008.
En 2008 : on craint surtout pour les remboursements à court terme, échéance inférieure à 1 an. Puis les taux redescendent autour des maturités 2 ans pour reprendre un comportement normal : croissants jusqu’à long terme. En moyenne, le taux est plus élevé qu’en 2005, nous sommes en pleine crise, il est difficile de savoir de savoir si la Grèce va rembourser ou non ses échéances à très court terme (en gros, aura-t-elle accès au marché pour se refinancer, sera-t-elle aidée par le FMI ou fera-t-elle défaut ?). Les investisseurs préfèrent prêter à plus de 2 ans parce qu’ils se disent que d’ici là les problèmes auront trouvé solution, mais ils sont quand même moins rassurés qu’en 2005 et les taux sont plus élevés. Le taux 10 ans est à 4%.
En 2013 : afin de relancer l’économie, la BCE a baissé ses taux directeurs (en 2010) et racheté des bons d’états (en 2012), ce qui a créé de l’inflation et rassuré les investisseurs sur la crédibilité des Etats.* Ils sont donc plus nombreux à prêter aux Etats, et mécaniquement les taux nominaux diminuent. Le taux 10 ans est à 2%. Cependant, il y a toujours des craintes sur les retombées à plus de 15 ans des leviers utilisés par la BCE (fuite des capitaux vers les pays émergents, effet d’inertie de la crise sur le vieux continent, et que se passera-t-il une fois que la BCE aura cessé de financer l’économie ?**) et donc les taux à partir de 15 ans sont plus hauts qu’en 2005, avant de diminuer sur le très long terme. La courbe devient décroissante sur ces maturités, ce qui signifie que les investisseurs supposent une fois encore qu’à très long terme les problèmes seront résolus.
*Si la BCE baisse ses taux, alors les Etats peuvent emprunter moins cher puisque l’inflation augmente et donc diminue le coût réel de l’emprunt (qui est le taux nominal donc affiché moins le taux d’inflation) et obtiennent donc de quoi rembourser (oui oui, en empruntant à nouveau) leurs dettes arrivant à échéance dans l’année voire le mois. De plus, les investisseurs anticipent qu’ils seront plus nombreux à prêter et que les taux nominaux baisseront.
**Fuite des capitaux : les investisseurs se disent qu’ils sont mal rémunérés en Europe alors que le risque n’est pas si faible, et préfèrent prêter à des Etats un peu plus risqués mais qui rémunèrent beaucoup mieux. Effets d’inertie : manière de dire que la crise laissera des marques après sa fin, un chômage durablement et naturellement plus élevé par exemple.
Dans l’article des Echos auquel je vais à présent m’intéresser (voir lien) le FMI dénonce les risques qu’ont pris les banques en achetant massivement des dettes souveraines en cas d’une hausse des taux. Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue.
Tout d’abord, on a vu en étudiant trois yield curve, que les taux oscillent naturellement autour d’une moyenne. En toute logique, ils vont remonter. Je veux dire, ils vont nécessairement remonter. Il n’y a rien de grave à cet état de fait puisqu’il est naturel, et il était donc inévitable pour les banques, si elles ont prêté aux Etats à des taux plus élevés, de prêter à des taux plus bas, avant que ces taux ne remontent à nouveau. Il n’y a donc pour moi aucun coût d’opportunité, puisque cet état était inévitable.
Les Etats ont su honorer leurs dettes lors du plus haut des taux en 2008, à moins que les taux dépassent ce niveau il n’y a pas de raison que je considère comme valable pour qu’ils ne puissent pas honorer des taux revenus à leur « moyenne », type 2005. De plus, la BCE soutient les Etats dans leur accès au marché de la dette, ce qui devrait empêcher les taux d’aller trop haut. Enfin, à moins de réaliser violemment que les Etats empruntent pour rembourser (système « Madoff » ou de Ponzy pour les économistes) et que cela équivaut à un jeu de domino, les investisseurs ne cesseront pas de financer les Etats, persuadés qu’ils sont que leurs PIB est une création suffisante de richesse pour les rembourser. (Personnellement, je trouve ça absolument absurde, parce que je suis sûre que si on était « actionnaire » de la France la dette ne permettrait pas de produire suffisamment pour nous verser des dividendes, ce que je veux dire c’est que dans la plupart des pays européens la dette n’est pas utilisée pour créer de la valeur, mais plus pour financer l’administration publique, les retraites et le côté social, en gros que la dette n’augmente pas le rendement du PIB divisé par le capital utilisé, ce qu’on appelle en finance l’effet de levier).
Enfin, les Etats européens sont en processus de désendettement, ce qui veut dire qu’ils remboursent vraiment une partie de leur dette, au lieu de faire du simple turnover, et ce simple fait est rassurant. Plus rassurant encore, le fait que les populations européennes arrivent à rembourser les dettes souveraines tout en subissant une politique d’austérité, en gros que tout en gagnant moins, ils arrivent à payer plus d’impôts, impôts servant à rembourser.
Pour toutes ces raisons, je ne pense pas que les banques qui détiennent de la dette souveraine aient du soucis à se faire. Cela ne m’empêche pas de penser que les Etats ne devraient pas emprunter sur les marchés, et vous trouverez mon avis là-dessus dans le Journal de l’Estrade du… Je crois aussi fermement que l’Etat devrait gérer ses revenus et leurs utilisations comme une entreprise, plutôt que comme une famille : tout emprunt devrait permettre de la création de valeur, cela éviterait une nouvelle crise de la dette de façon mécanique : en créant de la valeur il est plus aisé de rembourser ses dettes, et donc il n’y a plus de crainte concernant ce fait, les taux sont bas et stables, et pas de crise.
Votre dévouée future économiste auprès du Président,
Chloë Ange.
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Le FMI voit les risques grandir dans le système financier
Les Echos n° 21416 du 12 Avril 2013 * page 6 •L'assainissement des banques prend du retard.•Des risques de bulles spéculatives sont à craindre. " Peut mieux faire. " C'est l'évaluatio...
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